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Retours sur The Dark Crystal, Le Jeu d'aventure

Publié : 14 nov. 2025, 15:05
par JML
The Dark Crystal est un jeu de rôle qui traînait depuis quelque temps dans mon armoire et que j’avais acheté parce que le film éponyme fait partie de ceux qui ont marqué mon adolescence. De fait, les films entièrement incarnés via des marionnettes restent rares, encore maintenant, et l’univers ne sombrait pas pour autant dans une vision infantile des choses. Qui plus est, il s’agissait d’un monde entièrement original et d’une grande richesse visuelle. Bref, une madeleine de Proust en ce qui me concerne.

L’univers
Le monde de Thra était autrefois harmonieux, abritant un certain nombre d’espèces intelligentes (gelflings, podlings, arathims) et une nature riche et variée. Sa géographie est variée, depuis le Désert de cristal jusqu’à la Forêt infinie en passant par le monde souterrain et le Pays des fjords. L’équilibre reposait sur deux piliers. Un inanimé, Le Cristal, sorte de catalyseur des énergies de Thra, et un incarné en la personne de Mère Aughra, être unique en son genre sensé veiller activement à l’équilibre de toutes choses.

Bien entendu, la situation s’est gâtée avec l’apparition d’une nouvelle espèce, les skeksès, qui ont convaincu Mère Aughra qu’ils pouvaient veiller sur le Cristal pendant qu’elle pourrait se consacrer à la découverte du vaste univers qu’ils mettaient à sa portée. On sait comment tournent ce genre de choses… Les skeksès dirigent le monde à leur guise et à leur unique profit. Le Cristal s’est maintenant assombri, reflétant la corruption de Thra. Parallèlement, une autre espèce semble leur faire pendant de manière beaucoup plus discrète, les mystiques.

Les joueurs incarnent des gelflings, espèce autrefois dominante, en lutte contre le pouvoir des skeksès.

+ Basé sur le film de 1982, la série de 2019 et les quelques publications qui ont eu lieu entretemps, l’univers reste assez original malgré le foisonnement d'univers de jeux parus depuis quelques décennies. Il a été créé à la fin des années 70 et échappe de ce fait à l’influence écrasante qu’ont acquise par la suite les univers donjonesques avec leur litanie d’orcs et d’elfes.
+ Le corolaire du point précédent est le dépaysement que l’on peut proposer aux joueurs : les noms d’espèces n’ont pas d’équivalents ailleurs, la faune et la flore sont issues du travail d’un brillant illustrateur, les équilibres entre espèces ne relèvent pas du schéma égalitariste habituel, etc.
= La trame historique n’a rien de très original, mais cela est compensé par les deux points précédents.
= Restituer l’ambiance originale du film et de la série est une entreprise délicate. L’émerveillement qu’est censé apporter son univers était clairement destiné à un jeune public, mais l’histoire racontée présente des aspects très sombres.

Le système
Le système est simple et classique : une vingtaine de compétences et une unique caractéristique de santé composent la partie « chiffrée » du personnage. Ajoutez-y un certain nombre de Traits liés à sa tribu d’origine et plus tard à ce qu’il a vécu en cours de campagne. Ils définissent les capacités spécifiques du personnage. Pour contrebalancer ces avantages et donner de la couleur au PJ, on lui ajoute un défaut défini par un mot unique. Enfin, on ajoute les pièces d’équipement notables qui peuvent l’aider dans ses actions.

L’essentiel est présent, mais reste à un niveau de complexité assez basique.

Les mécanismes de résolution tiennent sur deux pages A4 manuscrites.

Réussir une action est un très classique (Niveau de compétence + 1 dé) supérieur ou égal à la difficulté de l’action. Le dé utilisé représente la puissance de la créature.

Le combat repose sur une succession de jets d’attaque et de défense. Les dommages se traduisent par la diminution du dé utilisé pour les jets de compétence. La plupart du temps, un personnage vaincu hérite de séquelles tirées au hasard en fonction de la gravité de la situation. Il peut mourir dans de rares occasions.

+ Le système est rapide à prendre en main…
mais peut donc réclamer quelques improvisations de la part du MJ pour certains cas particuliers. Ce sera évidemment plus simple pour un MJ expérimenté.
+ En accord avec l’esprit de l’univers, les PJ ne meurent pas facilement, mais ils peuvent être facilement vaincus. Au MJ de de décider des suites du combat : capture, perte d’un élément essentiel, etc.
+ Si le pire advient, la création d’un nouveau personnage est prévue en ouvrant la voie à de nouvelles espèces. Attention cependant à la cohérence de l’histoire et du groupe.
La magie et les capacités spécifiques des gelflings ne sont pas très détaillées et les ajustements reposent sur la connaissance que le MJ peut en avoir par le film et la série.

Le matériel
Tout est contenu dans un livre épais au format A5. Il se subdivise en trois parties.

La première, sur une quarantaine de pages, commence par une présentation rapide du jeu de rôle, suivie de la création de personnage, puis des règles, de quelques conseils au MJ et se termine par une présentation de l’univers en sept pages.

La seconde partie présente une grande campagne bac-à-sable sur 200 pages, présentée sur un principe similaire aux « livres dont vous le héros » : un ensemble de régions, de sites et d’évènements présentés en double page et comportant tous les références de pages vers lesquels se diriger en fonction des actions choisies. À la différence d’un ldvh classique, les choix ne sont pas contraints et ne mènent pas à des conséquences figées, mais à la description d’un nouveau lieu ou scène où les PJ peuvent agir librement.

La troisième et dernière partie est constituée d’une encyclopédie de l’univers sur 25 pages, présentée sous la forme de trois catalogues : herbes-nourriture-boissons, équipement et créatures.

Le livre se termine par quelques photos extraites du film et de la série.

+ Graphiquement, le livre est superbe. Les illustrations sont de qualité, la maquette est claire malgré une densité assez importante sur un format A5 et l’ambiance générale reflète parfaitement l’univers.
+ Matériellement, le papier est épais et qualitatif et le livre comporte trois signets, ce qui est pratique à l’usage quand on est amené à sauter en permanence d’une page à l’autre. Ajoutez un marque-page et son logement prévu dans la couverture du livre.
+ Il y a aussi quelques ajouts de présentation qui ont dû amener un certain surcoût à la fabrication, comme des pages dépliantes ou une page en papier-calque pour une double version de carte… bref, on est assez nettement dans la catégorie « beaux livres ».
= Pour en finir avec la liste des coquetteries de conception, la jaquette du livre fait office d’écran de jeu. L’idée est originale, mais le petit format du livre et le fait que la jaquette soit en papier rendent l’utilisation de cet écran assez hasardeux. L’intérieur est principalement constitué d’une carte du monde agrémentée d’un index des pages décrivant chaque région. C’est très suffisant vu la simplicité du système et relativement pratique vu la structure de la campagne.

Le scénario
Comme décrit précédemment, c’est un grand bac-à-sable de 200 pages décrivant le moindre recoin du monde de Thra.

+ TOUT le monde est décrit dans ses moindres détails. L’ensemble est d’une richesse assez bluffante.
+ L’ensemble des descriptions est structuré par régions, chacune suivie des lieux qui la composent et des évènements particuliers qui s’y déroulent. Cette présentation est bien pensée dans la perspective d’un bac-à-sable.
+ Le système de renvoi de pages est omniprésent et facilite beaucoup la recherche de la bonne information au bon moment.
Le gros point négatif de l'ouvrage : comme il n’est pas possible de retenir les 200 pages de la campagne et que les joueurs sont très libres d’aller et venir où ils veulent, le MJ se retrouve à prendre connaissance au fur et à mesure de chaque nouveau lieu. Ce n’est généralement qu’une double page A5, mais elles ne peuvent pas être lues en diagonale sous peine de passer à côté d’informations importantes ou de mal interpréter la description. Résultat : le rythme de la partie s’en trouve significativement ralenti par des pauses lecture du MJ.

Le mot de la fin
The Dark Crystal, Le Jeu d’aventure est une belle tentative d’adaptation au jeu de rôle de l’œuvre originale. J’ai eu plaisir à retrouver l’ambiance et l’esthétique du film et de la série, mais j’ai été un peu déçu par la difficulté à faire jouer la campagne de manière fluide. Pour l’instant je ne vois pas trop comment pallier ce problème autrement que par un investissement personnel considérable dans la lecture approfondie des 200 pages de descriptions. J’en resterai certainement au plaisir de posséder un beau livre que je pourrai parcourir à l’occasion.