Pierre et Islian

Par politesse et pour mieux se connaître une présentation est conseillée.
Islian
Victime Sacrificielle
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Inscription : 07 sept. 2018, 14:02

Pierre et Islian

08 sept. 2018, 14:01

Le feu crépitait avec lenteur dans la nuit étoilée, répandant les caresses de sa douce chaleur sur les corps fatigués des aventuriers. Le crépitement de la graisse perlant le long de la venaison rotissante battait le rythme de la soirée. La danse des flammes se reflétait sur les visages fatigués, soulignant de vermillon les traits tirés par le long voyage. Assis en cercle autour du brasier, tous se remettaient de leur éprouvante journée en vaquant à leurs occupations... entretenant leur matériel, rééquilibrant leurs paquetages, passant du baume sur leurs membres endoloris tandis que le repas chauffait.
C'était toujours la même histoire, la même tradition... celle de la première rencontre. C'était le moment où dans une compagnie d'aventuriers on se présente en omettant uniquement l'inavouable, où l'on raconte ses origines, sa vie et son œuvre. Le moment où l'on cherche à tisser les liens de confiance essentiels avec ceux aux cotés de qui on va se battre, et entre les mains desquels on va sans nuls doutes remettre sa vie. C'était la tombée de la première nuit dans un groupe, le moment où tout se jouait, celui où de simples inconnus voyageant de concert, on devenait frères de bataille... Celui où les gens qui marchaient à vos cotés décidaient si vous valiez la peine qu'ils risquent leurs vies pour sauver la vôtre.
Le chant de la pierre à aiguiser sur la lame cessa en un long feulement quand vint à Islian le tour de se présenter. Inspectant avec minutie sa lame à la lueur rougeoyante de la flambée de branchages, la nordique aux cheveux de feu et aux yeux de mer prit le temps d'organiser ses pensées. Jugeant l'ouvrage de sa lame achevé, elle fit lentement glisser les cinq pieds d'acier au fourreau et entreprit de raconter son histoire.

Mon nom complet est Islian Bjarnadóttir, et je suis née voici près d'un quart de siècle dans le Nord glacé et inhospitalier d'Ynn, entre les contreforts abruptes des montagnes que le peuple Storen nomme les crocs d'argent et les profondeurs saphir de la gigantesque baie des krakens. Mon père était Bjarni Skǿllson, jarl de ce lambeau de terre à peine cultivables, situé entre ciel et océan, recouvert surtout de profondes forêts de conifères étouffant les hameaux de leur étreinte aussi froide que silencieuse.

Les longues balades en compagnie de son père, l'odeur des sapins après la pluie, celle piquante de la fumée s’échappant des bâtisses recouvertes de terre et d'herbes... Bien malgré elle, Islian marqua une pause tandis qu'affluaient nombre de souvenirs emprunts de nostalgie et de ce goût douceâtre et lointain d'une époque plus heureuse. Si ses compagnons avaient remarqués son émoi, ils n'en laissèrent en tous cas rien paraître et continuèrent à s'occuper tout en l'écoutant. Tentant vainement de se redonner une contenance, la nordique entreprit de remuer les braises à l'aide d'une branche tout en reprenant son récit.

J'étais fille de Jarl... chez vous les gens du sud, on pourrait dire que je suis née noble... Mais chez nous la noblesse s'acquiert par les actes et nullement par le sang. J'aurais pu vivre heureuse et dans l'opulence si, au cours de ma dixième année, mon père n'avait pas manqué à son devoir et transgressé la Norglaw, la loi du Nord qui fait de nous des Hommes civilisés.
Foulant au pied toutes les traditions, il entra en guerre contre son propre cousin, le jarl Rognar Sigurdnarson pour une histoire de femme qu'ils convoitaient et qu'ils désiraient tous deux prendre pour concubine.

Comme d'habitude, comme à chaque fois qu'elle comptait son histoire si loin au Sud, l'annonce eut assez peu d'effet dans l'auditoire. Ici les mœurs étaient étranges et barbares... personne ne semblait jamais relever en quoi les actes de son père constituaient une impardonnable faute. Mais après tout... peut-être était-ce mieux ainsi... Il ne se trouverait personne pour lui jeter de pierres ou pour la traiter de fils de chien.

Les combats entre mon père et son cousin furent d'une brièveté sans commune mesure avec leur cruauté... Des villages furent incendiés et mis à sac afin de forcer les hommes à quitter les armées et à rentrer chez eux reconstruire leurs maisons avant l'arrivée de l'hiver. Quand finalement les deux armées se firent face sur la plaine, il n'était plus question d'une simple rixe entre hommes, mais d'une véritable boucherie où il n'y aurait pas de quartiers. Des deux fils de mon père, aucun ne survécut tandis que lui-même était fait prisonnier. Quand au plus jeune frère de Rognar, il périt écrasé sous son loup de guerre avant d'avoir atteint son dix-septième printemps. Rognar emporta donc la victoire, et traînant mon père enchaîné jusqu'à une assemblée générale du Thing, il y réclama le prix du sang pour la félonie commise par un membre de son propre clan. La faute était si lourde aux yeux des anciens qu'ils finirent, au terme de longs débats, par accorder la tête de mon père à son cousin.
Devant l'horreur du crime commis par mon père, l'anathème fut jeté sur les survivants de ma famille. Ma mère et moi fument dès lors considérées comme Thraellar, comme prises de guerres du jarl victorieux. Nous reçûment toutes deux le sceau de l'infamie, tatoué par magie sur la peau de nos bras comme un rappel permanent de notre déchéance forcée. Ho, nous n'avions pas une vie si horrible. En tant qu'esclaves nous devions tout de même être traité en humains et quiconque nous battait était passible d'en répondre. Mais l'honneur princier de ma mère ne pouvait tolérer l'injustice qui la frappait. Le plus dur pour elle devait sans doute être de devoir quotidiennement servir à la table de l'assassin de son mari.

Le bout rougeoyant du tison s'enflamma sous le souffle d'Islian qui se perdit à nouveau dans ses souvenirs. Rappelée à l'ordre par le toussotement d'un de ces compagnons jusqu'alors occupé à vérifier l'empennage de ses flèches, elle jeta le brandon dans les flammes et reprit la parole.

Poussée par ce mélange de chagrin, de honte et de colère qui anime ceux qui ont tout perdu, ma mère mit à profit le repas célébrant la naissance du troisième fils de Rognar pour se saisir d'un couteau à viande et l'enfoncer avec toute la force de sa haine dans le cœur du jarl. La tablée, rendue plus qu'à moitié saoule par l'alcool de khostok fut prise au dépourvus par ce geste de pure folie. Personne n'eut le temps de réagir que déjà Rognar poussait un dernier soupir ensanglanté... Lorsqu'enfin les convives se jetèrent en avant dans l'espoir de maîtriser ma mère, celle-ci commis un dernier geste, plus fou encore, en enfonçant l'arme du crime en travers de sa gorge...

Tous cessèrent leurs besognes pour darder leurs regards vers les prunelles de saphir de la rousse où le feu se reflétait comme sur un mince voile d'eau. Un silence pesant comme un bloc de glace, seulement troublé par le crépitement du feu, s’abattit avec froideur sur le groupe. Ce n'est qu'en s'emparant du gibier pour le partager entre eux-tous que la voix de la guerrière, semée de trémolos, se fit à nouveau entendre.

Comprenant que si je restais là il ne me serait fait aucune pitié, je mis à profit la confusion de la situation pour m'enfuir le plus vite et le plus loin possible. Courant à travers les bois et les ruisseaux, je ne m'arrêtais que pour dormir au creux d'une branche et me nourrir de baies et de racines. Quand au bout de quelques jours, j'estimais avoir mis assez de distance entre la demeure du Jarl et moi, je compris alors que j'étais maintenant perdue en forêt, sans rien d'autre sur moi qu'un couteau de cuisine volé et une vieille robe de laine... l'hiver n'allait pas tarder à tomber et j'étais condamné à mourir de froid et de faim avec les premiers froids.
Mon père m'avait un jour conté l'histoire des terres du sud, ces endroits qui jamais ne connaissent l'hiver et où l'on se gorge de fruits juteux toute l'année... Ne sachant quoi faire d'autre, je décidais donc de partir vers ce fameux sud merveilleux, en me guidant grâce aux étoiles comme sait si bien le faire mon peuple.
Après un temps qui me semblait infini, j'arrivais finalement à Klorn, un gigantesque port où, sans nuls doutes, je pourrais embarquer en direction de ce sud merveilleux. En ville, personne ne semblait prêter la moindre attention à la petite esclave aux pieds crottés et à la robe plus qu'à moitié en lambeau que j'étais. Une fois au port, quand je demandais à embarquer sur un navire, au mieux on me riait au nez, au pire on me chassait comme un chien et je devais alors m'estimer heureuse de ne pas me faire battre.
Au bout de deux jours de quête infructueuse, je fis donc la seule chose qui me parut censé... A la nuit tombée, je réussis à m'introduire clandestinement à bord d'un navire prêt au départ qui partait vers le sud, et à me cacher sous un sac de nourriture et de couvertures en peau.

La guerrière n'avait pu se retenir d'esquisser un sourire amer à la mention de ce sud si merveilleux qu'on lui avait chanté dans sa jeunesse. Maintenant âgée et beaucoup plus expérimentée, elle avait eu maintes fois l'occasion de voyager. Partout où elle avait posée le pied, c'était la même chose. Les mœurs pouvaient paraître différents, la culture changer, la nourriture affecter toute une gamme de goûts et de variations... au final, c'étaient toujours les mêmes Hommes qu'on retrouvait. C'était toujours la même espèce prête à s’entre-tuer pour trois fois rien... Les Elfes ne valaient guère mieux, confits qu'ils étaient dans leur supériorité et leur orgueil méprisant. Ils restaient toutefois talonnés de près sur ce sujet par les lutins qui pour la plupart ne prenaient même pas la peine de cacher leur suffisance. Les orcs n'étaient pour la plupart que barbarie et bêtise crasse... Quand aux nains, ils ne valaient parfois pas mieux. Finalement, que ça soit le Sud, le Nord, l'Est ou l'Ouest... ce monde entier s'était montré n'être qu'une vaste déception.

Je fus finalement découverte deux jours plus tard, quand, n'y tenant plus, je tachais de rejoindre le pont pour lâcher mon eau. Un colosse barbu et vêtu de peau d'ours me mit le grappin dessus et me traîna par les cheveux jusqu'à la tente du hovding située sur le pont. Le capitaine du navire fut le premier à voir sur moi la marque des esclaves... et il en déduit que je devais m'être échappée d'un quelconque mauvais propriétaire. Je ne fis alors rien pour le détromper. L'information courut rapidement et quand il fut connu de l'équipage qu'une passagère clandestine s'était glissée à bord, et qu'en plus c'était une esclave en fuite, nombre d'entre eux commencèrent à réclamer que la loi soit appliquée, et que ma tête soit décollée de mon corps.
Le colosse à peau d'ours avait déjà empoigné sa cognée quand le capitaine annonça que la seule loi à bord de ce vaisseau était la sienne, et que tuer un enfant à bord d'un navire, fut-elle une esclave en fuite, ne pourrait surement qu'attirer la colère du dieu des mers. Selon lui, leur mission serait déjà assez longue et difficile sans qu'ils n'aient besoin de s'attirer plus d'ennuis que nécessaire.
Je devins donc esclave à bord du navire, un grand skeid de guerre dirigé par Rolf Eskelson, qui officiait présentement comme escorteur pour un navire de commerce chargé de faire la liaison avec Santra, une ville située sur un autre continent.
Rolf était un de ces "rois de la mer", un chef mercenaire jouissant d'un grand respect parmi mon peuple, qui louait son navire et son équipage comme protecteur, guide ou éclaireur pour des expéditions commerciales, militaires ou de chasse au kraken... et qui comme le voulait notre tradition se faisait pirate lorsque l'occasion se présentait.
J'avais alors près de douze ans, et je servais aussi bien Rolf que tout son équipage... apportant leur nourriture, nettoyant le navire, tissant les cordages, rapiéçant les filets, les couvertures et les vêtements contre un repas par jour et le droit de rester en vie jusqu'à notre retour dans le Nord. Quand mon devoir ne m'appelait pas à servir à bord, je me tenais debout, emmitouflée de laines, à la proue du navire. Le regard perdu entre azur et saphir, le visage fouetté par les embruns, je continuais à rêver descendre un jour dans les terres du sud et fausser compagnie à ce peuple qui m'avait injustement privé de ma famille et tout ce que je possédais.

Lorsque finalement nous arrivâmes en vue de Gromgar, je connus la plus grande déception de ma vie. A quelques détails prêts, le port semblait en tous points similaires à n'importe quel autre port. Ô certes, l'architecture était différente, de même que les navires et les gens présents... mais c'était la même odeur de mer, les mêmes gens à l'air riche et hautain surveillant le débarquement des mêmes denrées par les mêmes dockers à l'air morose. Les mêmes pauvres quémandant l'aumône aux mêmes poissonniers... Il ne fut finalement pas si regrettable qu'on me maintienne à bord sous bonne garde pendant les semaines où nous firent relâche.
Bientôt, nous priment la mer cap au Nord vers Klorn. En route, alors que nous étions en pleine mer, notre navire fut heurté par une Tuhuin, une sorte de gigantesque tortue de mer qui aurait pu transporter le knarr que nous escortions sur sa carapace. Nous faillîmes verser et quelques hommes passèrent par dessus bord tandis que d'autres furent légèrement blessés... heureusement, il n'y eu pas de morts. A notre arrivée, la question de me remettre à la justice revint sur le tapis. Au final, l'équipage en était venu à apprécier la gamine qui préparait leur repas, qui réparait leurs chausses trouées, chantait pour eux le soir et pensait leurs blessures. Quelques uns se prononcèrent en ma faveur auprès de Rolf, qui proposa de me garder au service de l'équipage. Peu de voix s'élevèrent contre cette idée, voix auxquelles il rétorqua que si j'avais fuis mon maitre c'était car il me frappait et me nourrissait trop peu. Que cet ancien maitre ne respectait donc pas les coutumes du Nord et que, de toute façon, il m'avait sans doute déjà remplacé. Et afin de faire définitivement taire les détracteurs, il rétorqua que comme on m'avait trouvé à bord de son navire, j'étais maintenant sa propriété et n'était donc plus une esclave en fuite... aucune justice n'avait dès lors plus besoin d'être exercée.
Sa réaction me surpris car je lui avais depuis longtemps révélé qui j'étais, ce que mes parents avaient fait, et en quoi cela m'avait valu d'être mise en esclavage. Quand finalement je questionnais le capitaine sur ce mensonge, il se contenta de répondre que tout le monde devait me croire morte depuis longtemps, et qu'il était sans doutes préférable pour moi qu'il en soit ainsi.

Dès lors, ma vie s'écoula plus calmement... Je voyageais de ports en ports, de pays en pays... ho, la vie n'était pas douce et la mer recèle milles dangers. Mais au moins n'étais-je pas traqué et étais-je traité avec un tant soit peu de respect.
Les choses prirent un tournant un peu différent quelques années plus tard, à l'aube de mes 16ans. Nous servions à nouveau en tant qu'escorteurs pour une expédition commerciale, voguant en pleine mer vers le couchant par un temps froid et brumeux. La nuit approchait, le vent était tombé, la mer était si calme que nous venions de mettre les rames à l'eau afin de poursuivre notre avance... Quand soudain, semblant surgir de nulle part, un étrange navire à la voile gondolée sortit de la brume. Ces voiles gonflées par un vent magique, il passa outre notre skeid, non sans au passage nous avoir arrosé d'une bordée de flèches enflammées, et se porta à l'assaut du knarr que nous devions protéger. Les cris de l'équipage laissèrent entendre qu'il s'agissait de pirates Kuan, et qu'ils avaient un magicien à bord. Sans doutes espéraient-ils prendre rapidement le contrôle du navire marchand, et qu'une fois tout l'équipage passé au fil de l'épée, sans plus de raisons de nous battre, nous battrions en retraite. Mais c'était sans compter sur l'honneur Storen !

Le temps d'éteindre les départs de feu, nous mirent cap à la rame sur le vaisseau inconnu, celui-ci était déjà entrain de monter à l'abordage du navire marchand. Les cris de l'équipage peu défendu se faisaient entendre et commençaient déjà à s'estomper quand nous nous miment nous aussi à aborder les pirates. Les hommes se jetèrent à l'assaut du navire tandis que je restais à bord en attendant la fin du combat, comme je l'avais toujours fait jusque là. Mais sitôt les premiers de nos guerriers eurent-ils mis pied sur le pont ennemi qu'ils furent soulevés dans les airs et projetés en mer à plus de vingt coudées de distance. Avant que nous ayons pu réalisés ce qui se passait, les pirates commençaient à envahir notre bord en se jetant depuis leur pont sur le notre. Des coups de boucliers et de haches d'abordage constituèrent leur comité d'accueil. Beaucoup n'eurent pas le temps de se relever qu'ils se retrouvaient cloués au pont ou jetés par dessus bord. Je ne me souviens pas vraiment du déroulement du combat car sitôt l'ennemi sur notre pont j'étais partie me réfugier derrière un tas de sac de nourriture, sous une grande couverture. Je me rappelle tout de même avoir vu Rolf découper un des sauteurs en deux, en plein vol, d'un puissant revers de hache.
Une fois la surprise passée, nous commencions à reprendre la maîtrise du combat quand le mage entra en jeu. Je me souviendrais toujours de lui... C'était un grand homme tout en finesse, vêtu d'amples robes bleus et portant un petit bouc noir. Toisant le combat du haut de son navire, il effectuait de grands gestes projetant comme de puissantes ondes de choc depuis sa paume et envoyer voler à la mer tous nos archers. Éclatant de rire, il est descendu sur notre pont comme porté par l'air, ne cherchant même pas à se battre, se contentant de projeter à la mer ceux qui s'approchaient par trop de lui à l'aide de puissantes rafales.
Alors que partout autour ce n'était que tuerie, Rolf se jeta sur le mage, mais un gigantesque coup de vent le repoussa en arrière. Une nouvelle rafale vint se fracasser contre le bouclier du capitaine, manquant de le déstabiliser. Campant ses pieds au sol, le hovding jeta sa hache en direction de l'aéromancien alors que celui-ci préparait un nouveau sort. Equilibrée aussi bien pour le combat que pour le lancer, l'arme fila avec lenteur en direction du mage qui projeta dans sa direction un autre sort de vent afin de la détourner.
Le geste du mage s'acheva en même temps que sa vie, quand la lame d'acier de la hache vint réduire son crane à l'état de pulpe sanguinolente. J'appris plus tard que la hache de Rolf était forgée en acier Cloïka, insensible à toute forme de magie... un des gros avantage de notre peuple, peu amateur de magie, sur les jeteurs de sorts.
Tout autour du capitaine les combats continuaient, et il devait maintenant faire face, désarmé, à quatre pirates. Les coups de sabres recourbés commencèrent à pleuvoir tandis que Rolf s'efforçait de parer et de détourner les attaques à l'aide de son bouclier. Les ennemis se gênaient, mais c'était là son seul avantage et il se retrouva bientôt acculé au bastingage...
J'avoue que je ne sais toujours pas ce qui me prit alors... Peut-être est-ce car Rolf avait toujours été bon pour moi... ou peut-être est-ce la main du destin qui m'a guidée, ou bien encore la certitude que si le capitaine mourrait, je ne serais pas épargnée par les pirates... mais je suis alors sortie de ma cachette, ai attrapé la première arme qui se présentait à moi, et j'ai couru... lame en avant... j'ai foncé droit sur le groupe d'ennemis en sautant par dessus les cadavres et les mourants. Et je ne me suis jamais vraiment arrêtée...
C'est ce qui m'a le plus surpris. J'ai traversé le corps peu protégé d'un pirate de part en part, n'étant bloquée d'un coup sourd que par la garde du sabre butant contre son dos. Puis je suis tombée, écrasée par le poids du corps s'effondrant sur moi.
Lorsque Rolf m'a sortie de sous le cadavre, j'ai mis quelques minutes à comprendre qu'il s'était lui aussi emparé d'une arme et avait défait ses adversaires... puis que l'équipage avait pu venir à bout des assaillants qui, sans l’appui du mage, ne pouvaient ni fuir ni mener le combat sur deux fronts. Pour mon capitaine ce n'était qu'une boucherie de plus... pour moi... tremblante de froid et de peur, en larme, et aussi recouverte de sang que lui... c'était une seconde naissance.

Instinctivement, la main dégantée de la nordique s'était portée à la garde du sabre d'abordage qui battait son flanc, comme pour s'assurer qu'il était toujours là. Ô, cela faisait belle lurette qu'elle avait perdu l'original lors d'une chasse au Kraken, mais elle affectionnait toujours de se faire forger toutes ses nouvelles lames selon le même style que celle avec laquelle, pour la première fois, elle avait pris la vie à un Homme.
Une nouvelle pause se fit dans son récit, mais cette fois-ci en tout connaissance de cause, afin de laisser à chacun le temps de visualiser ce qui c'était passé et de se rappeler, eux aussi, la première vie qu'ils avaient prise.


Une fois le combat terminé, les blessés soignées et le calme revenu aussi bien sur le pont que dans ma tête, nous reprîmes notre mission d'escorte. Le soir venu, comme après chaque jour de combat, une fête fut donnée à bord. Les hommes firent couler le vin à flots et dévorèrent à belles dents les rations prises sur le bateau des pirates. Alors que les chansons allaient déjà bon train mais que tous étaient encore sobres, Rolf demanda le silence d'un grand geste de la main. Soulevant la gigantesque corne de khorr sculptée qui lui servait de chope, il porta un toast à notre victoire, et surtout à la santé de la jeune fille qui lui avait sauvé la vie. Je ne compris qu'il parlait de moi que lorsqu'il contât avoir vu une véritable berserker foncer sur les hommes qui s’apprêtait à le tuer et traverser de part en part l'un d'entre eux, cuir et maille comprise. Prenant alors à témoin l'équipage et le capitaine du navire marchand qu'il avait invité à bord, il me remit la lame que j'avais manié quelques heures plus tôt, un bouclier tel que ceux que nous utilisons dans notre peuple, et annonça devant tous que pour ma bravoure et mes faits d'armes il m'affranchissait et me prenait à bord comme membre à part entière de l'équipage,
Je devais avoir l'air totalement idiote avec cette lame entre les mains, ne sachant nullement comment la tenir et encore moins comment je pourrais bien m'en servir. Mais dès le lendemain, je débutais mon entrainement sur le pont du navire, sous les rires et les taquineries du reste de l'équipage.

A notre escale suivante dans le nord, des mois plus tard, je fus menée par Rolf devant le Thing. Vêtue de ma plus belle chemise de cuir, portant l'épée et le bouclier gironné d'argent et de gueule qui m'avaient été confiés, je fus introduite en compagnie du capitaine et de son second dans la pénombre de la sale enfumée où siégeait le conseil. Quand les anciens me reconnurent à ma marque, la stupeur pu se lire sous les barbes et les sourcils broussailleux des vieux sages. Rolf affecta de ne pas avoir connaissance de mon histoire, et de bien s'en moquer d'ailleurs. Il annonça que je servais à son bord depuis plus de quatre ans, d'abord comme esclave lorsqu'il m'avait trouvé cachée sur son navire, puis comme nageur et ordonnance depuis le jour où je lui avais sauvé la vie. Il précisa que je n'avais jamais démérité, même si j'avais toujours fait preuve d'un esprit rebelle et d'un caractère digne du plus buté des boucs. Il précisa que j'avais nourris les hommes, soigné les blessés, navigué et barré comme un véritable marin. Il précisa que j'avais chassé la baleine, participé au pillage de deux navires, à plus de dix missions d'escorte... et point final de son plaidoyer, il raconta son combat contre le mage kuan et ses pirates, et comment j'avais brisé l'encerclement et surpris si bien les ennemis qu'il avait pu les maitriser et reprendre le combat.

Si le Thing fut impressionné, peu de ses membres le montrèrent. Après quelques minutes de discussions, une voix s'éleva pour annoncer que si effectivement c'était là des exploits dont peu de jeunes filles pouvaient se targuer, il n'en restait pas moins que comptes tenus des crimes commis par ma famille, je ne pouvais être laissée en liberté. J'avais été donné comme thraellar au jarl Rognar, et il serait normal que je revienne à sa famille.
Rolf s'emporta, annonçant que l'on me tuerait pour ce qu'avait fait ma mère, et qu'il fallait être un bien mauvais Thing pour condamner à mort une gamine à cause du crime de ses parents. Dégageant sa hache, il la jeta d'un geste rageur sur la table du conseil et parla en ces termes : « Si vous voulez tuer cette enfant pour des crimes qu'elle n'a pas commis, alors ayez au moins le courage de le faire vous même ! Allez-y ! Prenez cette arme et tranchez-lui le cou si vous en êtes capables ! Faites le et tenez vous prêt à affronter aussi bien la colère des dieux que la mienne, car j'ai maintenant une dette envers cette gamine, et sur mon honneur de hovding je lui ai promis qu'elle serait affranchie ou ne serait plus ! »

Un sourire fugace s'esquissa sur les lèvres d'Islian... Elle se souvenait mots pour mots des paroles prononcés par son capitaine ce jours là, à dire vrai elle se souvenait de tout : de l'odeur de résine et de fumée, de la lueur faiblarde du feu dans le gigantesque âtre, de ses jambes flageolantes semblant prête à s’effondrer sous son poids pourtant alors équivalent à celui d'un sac de grain. Mais surtout, surtout, elle se souvenait des visages de chacun des anciens présent, virant au cramoisi sous les quolibets du langage fleuri de Rolf. Quolibets qui non content d'être difficilement traduisible pour qui n'a jamais vu un morse ou un phoque en monter un autre, gâcheraient en plus tout le caractère dramatique du moment.

Nombre d'anciens se levèrent, outrés, fulminants, prêts à demander réparation à Rolf. Son second et moi firent un pas en avant pour l'assister tandis que certains commençaient à s'approcher d'en l'intention d'en découdre. C'est alors que la voix du plus ancien des membres du Thing résonna. C'était un homme plus qu'âgé, qui n'avait pipé mot de toute la séance... Il éclatait maintenant d'un puissant rire franc entrecoupé de quinte de toux alors qu'il semblait forcer pour s'extraire des épaisses fourrures en peau d'orignac sous lesquelles il semblait dormir.
Il plaida ma cause, insistant sur le fait que Rolf avait raison et que j'avais mérité bien plus d'honneurs que beaucoup de gens de mon age. Il rappela à tous que la base de notre culture était que chaque homme, et chaque femme, devait faire ses propres preuves et n'être jugés que sur ses actes. Certes, les crimes de mes parents étaient inadmissible, mais j'avais depuis longtemps fait mes preuves, et montré par là que je n'étais pas de la même graine. Le débat éclata, les tons montèrent et rapidement fusèrent les insultes. Quand la tempête retomba dans la salle, une décision avait été prise : Je serais dorénavant une leysingi, une esclave affranchie. Mais je resterais sous la responsabilité de Rolf jusqu'à nouvel ordre. Le serpent tatouée sur mon bras serait amputé de sa tête afin de montrer à tous qu'un crime avait été commis, mais qu'il avait été en partie remboursé.
Pire encore... tous les ans, le Thing se réunirait pour juger de mes actions. Si ce que j'avais fait était bon pour le peuple Storen, alors je serais peu à peu pardonnée. Si ce que j'avais fait allait à l'encontre des intérêts Storens, alors je retournerais à mon statut d'esclave.

A la demande d'un des membres du groupe, Islian dénuda son bras d'épée et montra à l'assemblée le tatouage incriminé. Les flammes dansant sur la peau claire de la rousse jetaient des ombres folles et inquiétantes sur le gigantesque serpent nordique, surmonté de runes, enroulé depuis l'épaule jusqu'au poignet. Le cou de l'animal se terminait un peu avant la main comme s'il avait été tranché d'un coup sec et laissait la queue libre.
Laissant le temps à tout le monde d'observer la marque sans en montrer le moindre gène, semblant visiblement assumer pleinement son statut, la nordique descendit une goulée de vin et reprit son histoire en tendant l'outre en peau de zoat à son voisin de gauche.

Je me suis donc retrouvée à demi libre, sous la tutelle de Rolf... mais pour la première fois j'allais réellement être jugée pour ce que je suis et pour mes actes.
J'ai continué à servir sous les ordres de mon havekar pendant près de cinq années. J'ai chassé le kraken au dessus des failles marines et j'arbore maintenant ses dents en trophées, j'ai participé à plus d'une cinquantaine de combats, sur terre et sur mer, et porte mes cicatrices comme autant de symboles. J'ai affronté les tempêtes, les pirates, les marchants et les monstres marins. Et pourtant je n'ai pas encore pu regagner ma totale liberté... D'après le Thing, je n'en suis pas loin... mais il me reste encore du chemin à parcourir.
Notre peuple possède un grand point faible... nous comptons assez peu de sorciers et la pratique de la magie n'est le privilège que de quelques personnes. Nous possédons des moyens de nous défendre contre la magie, et nos guerriers sont valeureux, mais parfois seule la magie peut vaincre la magie... Cette réalité est venue aux yeux de Rolf lors d'un combat contre un navire marchand dont la cargaison était protégée par plusieurs mages. En quelques secondes et à eux trois, ils ont pu faire couler deux des quatre skeids participant à l'attaque avant d'être à portée d'arbalète.

Utilisant tous ses contacts, Rolf réussit à convaincre un de nos Jarl les moins obtus de financer le voyage de quelques un de ses hommes vers le Sud. Des six hommes qui furent choisis, je fus la seule à me porter vraiment volontaire. Notre but était d'apprendre la magie et de revenir l'enseigner dans le Nord. Là, nous pourrons l'utiliser pour nous protéger, soigner nos blessés, améliorer nos cultures...

… et comme arme lors de nos guerres, pour la piraterie ou encore la chasse... ça serait même notre utilisation première. Mais il faudra sans doutes du temps pour faire accepter cela au peuple qui continue à percevoir la magie comme l'apanage de nos prêtres. Voilà quel était l'objectif réel de cette mission : fournir au peuple Storen de nouvelles armes pour prospérer. Islian l'assumait pleinement... mais depuis quelques années qu'elle parcourait le Sud, elle avait rapidement compris qu'il était parfois préférable de taire certaines choses. Plus encore qu'au Nord, ces terres étaient les royaumes de la fourberie et du mensonge, des gens sans honneurs ne cherchant que leur profit personnel au détriment des autres. C'est pourquoi elle ne préféra pas approfondir les raisons qui l'avaient poussé à se porter volontaire pour ce périlleux voyage. Ô certes, il y avait bien l'espoir d'arriver à reconquérir son honneur... cet honneur qu'une bande de vieux barbons décrépits lui avaient pris sous prétexte de crimes qu'elle n'avait pas commise. Mais c'était surtout la lassitude qui l'avait poussée à partir si loin de ces terres natales, dans des terres où sa marque ne serait pas reconnue, où l'on ne la jugerait pas sans la connaître, et on l'on ne chuchoterait pas sur son passage.

Chacun des six volontaires embarqua dans un navire différent, dans des directions différentes. J'ai pour ma part choisi de rejoindre la ville de Kallis où j'ai appris que la guilde des étoiles pouvait m'apprendre la magie si je m'engageais à son service. C'était effectivement le cas, et voici maintenant quelques temps que je loue ma lame contre l'apprentissage de la magie. Et c'est pourquoi je suis avec vous ce soir, à partager ce repas...




Donc voila, moi c'est Islian sur les forums, Pierre dans la vie réelle. J'ai 28 balais, je suis tombé dans la soupe des histoires et du JDR depuis tout petit, et je partagerai avec plaisir des soirées avec vous pour que l'on crée ensemble les légendes qui resteront des souvenirs sympas bien ancrés dans nos mémoires.
J'aime bien jouer, j'aime bien masteuriser (je crois qu'il faut que je présente mes univers sur une autre page), et je prends particulièrement mon pied quand une table s'oublie complètement dans la partie, prenant avec cohérence sa propre histoire et débattant avec hardeur du chemin à suivre.

Au plaisir de vous croiser, et de croiser le fer avec ceux que vous serez.

Des bisous tentaculaires !

Islian
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Elthaïn
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Re: Pierre et Islian

08 sept. 2018, 14:11

(J'avoue, je n'ai pas tout lu)
Salut, et bienvenue!

Les campagnes pour l'année sont en cours de constitution. Si tu veux voir le planning prévisionnel, c'est ici. Tu pourras même t'inscrire (cela dit, certaines tables sont déjà bien remplies, n'hésites-pas à faire un second choix au cas ou ton premier ne puisse être accordé.
Si tu veux proposer des campagnes, c'est par là.
Tu peux même présenter ta campagne .
Pour le choix des semaines, je cite :
Usuellement, les campagnes reprennent à l'AG, qui sert de S1.
Et l'AG est le 28 septembre.

Voilà, j'espère avoir fait le tour.
Au plaisir!
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Skâhl
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Re: Pierre et Islian

08 sept. 2018, 18:24

bienvenue ! :D
++Maître, ils implorent notre pitié.

++Notre pitié ! Oh Khorne, tu nous as vraiment menés vers une terre promise regorgeant de sang et de crânes !
MASSACREZ-LES !
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Enormatro
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Re: Pierre et Islian

11 sept. 2018, 08:26

(moi j'ai bien tout lu)
Bienvenue Islian, je vois que tu n'aimes pas faire les choses simplement. Ca tombe bien, nous ne sommes pas très euclidiens dans notre antre aux mille sacrifices.
- Pardon, M'sieur, elle est à vous la hache à deux mains ?
- Oui ?
- Bon, vous voudriez bien l'enlever de mon crâne, parce qu'elle me gêne pour boire ma bière.
[---]
- Merci, trop aimable ...
Islian
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Re: Pierre et Islian

14 sept. 2018, 13:38

Merci ^^.

Et bah, j'ai pas tellement réfléchi, j'avais envie d'écrire et je me suis dit que c'était moins impersonnel comme ça ;).
En effet j'ai entendu parler d'une table non euclidienne ! J'ai hâte d'y mettre les pieds ;).
Ginkoko
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Re: Pierre et Islian

16 sept. 2018, 14:22

Bienvenue :)

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